mardi 6 novembre 2012

Les Editions Luis Casinada : Histoire et Catalogue



            

... mais déjà, nous laissons des traces. 
Alors, laissons aussi des commentaires. 


                     

            D'abord les séquences chronologiques des éditions LUIS CASINADA
Acte 1 : de 1993 à 2003, Guy Barral édite 15 livres illustrés par des peintres et des plasticiens. 
Acte 2 : de 2004 à 2012, sommeil.
Acte 3 : 2012, Sébastien Hervouet propose de relancer l'activité. L'activité est relancée. 

          Il y a donc 20 ans, en 1993, paraissait le premier livre des éditions Luis Casinada : Pirate, 5 nouvelles de Joseph Delteil illustrées par Isabelle Marsala


              Comment en est-on arrivé là? 
Il y avait chez moi (Guy Barral) un désir lointain et ambigu de faire des livres. 
Il y avait alors chez moi, sur mon bureau, des piles de manuscrits inédits de Joseph Delteil. 
Il y avait une énorme imprimante LaserWriter (MacIntosh, motorisée Canon) qui acceptait miraculeusement toutes les formes de papier.  
Il y avait autour de Montpellier des peintres en veux-tu en voilà, et des bons! 

Mais il y avait aussi : 
            Une répugnance pugnace à ajouter du livre aux livres. 
A 16 ans, ma rencontre avec Mallarmé était un coup de foudre. Mais qui ressemblait à La Princesse au petit pois. Dans un édredon de délices, un mot du Maître me blessait de l'épiderme aux moelles : PUBLIE! 

           Près de 50 ans après, je n'ai toujours pas digéré cet impératif mallarméen. Je ne sais toujours pas pourquoi il faudrait publier. J'ai plus tard été heureux de lire chez Valéry (qui a tant publié) l'esquisse du même doute, théorisé par Monsieur Teste. J'ai souri quand Jacques Lacan (qui a tant publié) écrit poubelisation pour publication. 
Bref, j'aime le livre, mais n'ai jamais compris pourquoi les auteurs publiaient et pourquoi les éditeurs-recéleurs éditaient.
Teste-Mallarmé est-il inférieur à Stéphane Mallarmé? La scholastique dit oui, le rêve dit non.
Bref, je me suis décidé à éditer, mais peu.  
Mais presque rien : casi nada
Très peu d'exemplaires. Peser si peu, furtivement. 
Casinada, c'est aussi une réminiscence des livres de Vladimir Jankélévitch : Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien. 

           Ceci posé, (publier peu), la divine surprise fut de constater que ça me libérait d'une corvée terrifiante : commercialiser mes productions. 
30 exemplaires, c'est assez facile à vendre (quand le produit est bon), et si par hasard ça se vendait mal (il reste toujours quelques exemplaires), la gamelle financière n'est pas un abîme.

        Après, le premier pas franchi, le vouloir-vivre de l'édition m'a emporté jusqu'à publier 15 livres en 10 ans. (Plus quelques babioles intimes).
Chacun sera à son tour présenté dans ce blog, chacun aura sa notice détaillée et anecdotique (ce sont des livres à palabres). 

Mais si quelqu'un demandait dès à présent le programme, voici le  
catalogue des livres publiés dans ce premier élan

PIRATE
Cinq textes de Joseph DELTEIL
Cinq peintures originales d'Isabelle MARSALA
Les textes sont imprimés sur papier japon Dosabiki. Les 5 fascicules, en cahiers, comportent chacun une photo d'Henk Breuker sur laquelle I. Marsala a peint 5 métamorphoses de Delteil. Les exemplaires sont tous différents, signés de l'illustratrice et de l'éditeur. 
Reliure coffret en noyer centenaire conçue par Olivier Fischer.
Format : 15 x 15 cm. 
Tirage à 30 exemplaires H.C.



 TORERO
Texte inédit de Michel ZOOM-CERVERA
Sculpture de Jean-Paul BOCAJ
Le texte est imprimé sur des banderolles (6 x 46 cm) de papier redoré à la main. Il est présenté en spirale à l'intérieur d'une boite de fer verni tapissée sur sa face interne de peau de taureau tanée avec ses poils. 
L'extérieur porte une sculpture peinte par Jean-Paul Bocaj (seins de femme et tête de taureau). 
Numérotation et signature de l'artiste sur la boite.
Tirage à 25 exemplaires. 



LOU GRAND OPERA DE LAS SIDOULAS
Pièce de théâtre de L'ESCOUTAIRE (François DEZEUZE).
Quatre dessins réhaussés d'aquarelle par François DEZEUZE(petit-fils)
La pièce, créée en 1900 met en scène une réunion d'amis de la bouteille et de la philosophie dans un mazet des environs de Montpellier. 
Sur papier japon Iiaxuan extra léger.
Couverture en carrelages de faïence verte, terre vernissée, tels qu'on les fabrique depuis des siècles à Saint-Jean-de-Fos (Hérault)
Format à l'italienne 18 x 12 cm.
Tirage : 30 exemplaires 


En cliquant sur les photos, elles deviennent grandes !!!


MENTEUR ! 
Trois textes de Joël JACOBI
Quatre linogravures réhaussées d'acrylique par Hervé DI ROSA.
Les textes sur papier Japon Dosabiki forment trois cahiers ayant chacun en frontispice une linogravure originale d'Hervé Di Rosa.
Un frontispice général est inclus dans le couvercle coulissant formant le premier plat du coffret en cristal synthétique transparent. 
Format 16 x 16 cm.
Tirage à 25 exemplaires et quelques hors commerce.




EPHEMERIDES
Texte de Bernard TEULON-NOUAILLES
Deux arrachements par André-Pierre ARNAL
Trente textes, un mois fictif dont les jours évoquent plus des prénoms de peintres que les calendriers connus, parlent des multiples aspects de l'arrachement.
Dans une boite noire (28 x 12 x 8 cm), le texte, sur papier toilé, est disposé comme un éphéméride sur une planchette  inclinée. 
La face supérieure du coffret et le support intérieur portent chacun un arrachement d'Arnal.
Tirage : 40 exemplaires (dont 15 H.C.)



LES DEMINEURS
Texte de Bertrand DU CHAMBON
Quatre dessins polychromes par Isabelle MARSALA
Sur papier Japon Kinryu blanc.
Reliure en bois bleu de Perse et perles d'opaline.
Format à l'italienne 20 x 16 cm
Tirage à 30 exemplaires.


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NAISSANCE D'UN MONSTRE EPOUVANTABLE ENGENDRE D'UNE BELLE ET JEUNE FEMME NATIVE DE MARK A DEUX LIEUES DE CALAIS.
Texte : une mazarinade ou "canard" endiablé resté anonyme de 1649.
Un morceau de tableau de Jean-Paul BOCAJ.
La toile de Jean-Paul Bocaj a été découpée en 30 carrés de 16 cm de côté, chacun venant, numéroté et signé par l'artiste, illustré un exemplaire. Les photos de trois états du tableau sont jointes au fragment original. Le tout est inséré dans une pochette en basane rustique fermér par une boule de buis et marquée au chiffre de l'éditeur. 
Tirage : 30 exemplaires. 


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LES ROYAUMES COMBATTANTS
Un texte de Christian SKIMAO
Trois dessins de Daniel DEZEUZE réhaussés de crayon gris et encadrés d'une bordure dorée. 
Sur papier coton du Moulin de Riom.
Reliure verte à la chinoise en lamelles de bois de store.
Format : 12 x 23 cm.
Tirage à 50 exemplaires, dont 25 H.C.





A SHELLEY
Poème inédit de Jean COCTEAU
Quatre dessins polychromes (gouache et acrylique) par Karen THOMAS
Poème daté de 1913.
Sur papier Japon Sanmore (en partie translucide) pour le texte et Kuji pour l'illustration. 
Format à l'italienne 32 x 16 cm.
Tirage à 45 exemplaires, dont 15 H.C. 
En cliquant sur les photos, elles deviennent grandes !!!


UNA NUOCH DE LUNA PLENA
Un texte de Max ROUQUETTE
Cinq dessins réhaussés à l'acrylique d'Isabelle MARSALA
Sur papier Japon Dosabiki
Un chassis évoquant le tambourin, en bois de bambou contient une couleuvre de Montpellier d'un mètre et demi lovée sous le corps du livre. La version française est cachée sous l'ensemble.
Format 28 cm de diamètre. Corps du livre : 16 x 20 cm. 
Tirage à 40 exemplaires




PEINDRE / ECRIRE
Une peinture d'Anne SLACIK
sur un texte de Guy BARRAL
Le texte peut être présenté comme un tableau 52 x 82 cm ou être replié dans son coffret de plexi cristal 17 x 22 cm.
Peinture acrylique, pigments et terres plein format sur un texte imprimé.
Papier pur coton du Moulin de Riom marouflé sur toile, et peint plein format.
Tirage à 15 exemplaires, dont 7 H.C.

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SCULPTER / ECRIRE
Une intervention de Dominique LONCHAMPT
sur un texte de Guy BARRAL
Le texte peut être présenté comme un tableau 52 x 82 cm ou être replié dans son coffret de plexi cristal 17 x 22 cm.

Gravure de pigments de terre , empreintes, objets en pierre et cuir en plein format sur un texte imprimé.
Papier pur coton du Moulin de Riom marouflé sur toile, et peint plein format.

Tirage à 15 exemplaires, dont 7 H.C.






                Il resterait à parler de la collection Peuchère ! ... mais alors, là...

                 Une fois ces 15 livres faits et bien faits, presque tous vendus, je crois que je me suis mis à les compter et j'ai dû m'endormir. Ou alors c'est l'a-quoi-bon, ou pire l'interrogation sur l'action restreinte au maximum qui m'a freiné. Traîner un landau sous l'eau, dit Michaux. 
8 ans de sommeil. 

Et on passe à la 3ème tranche, nous y sommes.

                Un jour, Sébastien Hervouet choisit dans les réserves de la Médiathèque de Montpellier quelques livres de bibliophilie contemporaine pour une exposition. Par gentillesse, il sélectionne quelques uns des "miens". Et, en préparant les phrases qui doivent entourer ces livres, il se pique au jeu, m'envoie un mail qui dit "Il faudrait refaire des choses, si tu relances les éditions Luis Casinada, j'en suis". 
Oh que n'avait-il pas dit ! 
Nous voilà à discuter. Pas à se demander s'il fallait refaire quelque chose, mais qu'est-ce qu'il fallait faire. 
              Première idée, une revue. Je crois que l'idée venait de moi puisque je l'avais exposée à mes collègues de l'Entente Bibliophile de Montpellier, qui avaient dit :                          (ici, un blanc, figure typographique du silence). Je crois aussi que l'idée venait de moi parce qu'elle était mauvaise. Une revue, c'est une ligne éditoriale définie, du relationnel a gogo avec des écrivains, de la périodicité assumée, de la diffusion forcenée. C'était donc une mauvaise idée. 
             Deuxième idée, meilleure. Se servir des textes comme déclencheurs de réaction graphique. On va chercher des perles dans la littérature passée (parce qu'il n'y a pas de date de péremption pour l'art ou la littérature, aucun progrès, aucune actualité dans ces trucs là). Et on va demander à des peintres, des graphistes, des photographes, etc, de travailler là dessus. 
             C'est à dire, en un mot, que la littérature sert de pré-texte à une création graphique. En conséquence, sur nos pages de titre, les couvertures de nos livres l'illustrateur passe avant l'auteur du texte. Nous ne prétendons pas faire découvrir Mallarmé ou Bossuet, mais nous sommes fiers de susciter et de présenter des oeuvres de peintres qui s'en seront inspiré. 
             Troisième idée : on fait une collection ! On va enfiler un carcan, le même pour tous, aux artistes. La présentation de tous les volumes sera la même, et cette similitude va mettre en relief, valoriser joyeusement les libertés et les écarts dont chaque créateur va remplir notre moule. 
               Quatrième idée : Mais bon sang, mais c'est bien sûr! C'est évident que c'est ça qu'il faut faire.  Et si on appelait la collection PARCE QUE ! ? On appelle la collection Parce que!
Le logo de la collection PARCE QUE !


  Et voilà ce que ça donne

En cliquant sur les photos, elles deviennent grandes !!!

           Un coffret de 17 x 17 cm (on ne s'est aperçu qu'ensuite qu'on avait réinventé le nombre d'or du mythique 45 tours). Les deux faces sont en plexi cristal transparent, ce qui permet de mettre en évidence, sur la face 1, le frontispice illustré sans aucun texte, et sur le verso du volume la page de titre. 
Le tout est retenu par des soutiens en aluminium
Reliure à la chinoise, avec les feuilles doublées sur elles mêmes. 
Papier japon Awagami Hosho  80 gr. . Il s'agit d'un papier très léger, souple et d'un blanc éclatant. 
Tout le reste est laissé à l'initiative des artistes qui peuvent utiliser toutes les techniques qu'ils veulent, à condition qu'elles rentrent dans cette boite.
Cette présentation permet deux utilisations (outre la lecture et la contemplation) du livre. Soit on l'expose côté frontispice, et on a, mesdames et messieurs, un fort joli tableau, soit on le range avec ses autres livres sur des étagères où il se trouve comme un poisson dans l'eau. 

Voilà. 

       Le premier sorti dans cette collection Parce que! sera celui où Sébastien Hervouet (noblesse oblige) illustre de 6 linogravures (et un découpage) un texte d'Henri-Pierre Roché, publié en 1921 sous le pseudonyme de Jean Roc : Don Juan et la petite sirène.


Détail : Chaque volume de cette collection sera vendu 100 €, port compris.

PS : Si vous voulez nous contacter, c'est facile : il suffit de cliquer sur nos noms dans la rubrique "Qui sommes-nous"  à droite de l'écran, ou en bas de chaque message.


lundi 22 octobre 2012

Torero de Michel ZOOM (CERVERA) mis en boite par Jean-Paul BOCAJ

TORERO
Texte de MICHEL ZOOM (Michel CERVERA)
Sculpture de Jean-Paul BOCAJ
Le texte est imprimé sur des banderolles (6 x 46 cm) de papier redoré à la main. Il est enroulé en spirale à l'intérieur d'une boite en fer verni (8 cm de haut, 6,5 de diamètre) tapissée sur sa face intérieure de peau de taureau tanée avec ses poils.
L'extérieur porte une sculpture peinte de Jean-Paul BOCAJ associant des seins de femme et une tête de taureau.
La numérotation, et la signature du peintre sont peints sur la boite.
La boite porte la date de 1993, et l'achevé d'imprimer est du 1 janvier 1994. 

Le tirage est de 25 exemplaires.
TORERO de Michel ZOOM mis en boite par Jean-Paul BOCAJ
Remarquez le couvercle peint laissant dépasser les poils du cuir rembourrant l'intérieur de la boite. Et, malheureusement, l'afeitado a limé la corne d'un des Miura!


Michel ZOOM (mort trop tôt) est le frère aîné du peintre André CERVERA. Né à Sète, il a été, dès l'origine, lié a Robert Combas et Hervé Di Rosa, ses contemporains. Il écrit pour et sur eux pendant des années (Cf : le livre DIROSPORNO, avec Hervé Di Rosa). Il devient ainsi un des critiques reconnus de la presse languedocienne, et chronique nombre d'expositions dans des revues spécialisées.
Le livre, projeté lors d'une exposition qui regroupait, lors de la Feria de Vic-Fezensac à la Pentecôte 1993, André Cervera, Isabelle Marsala, Jean-Paul Bocaj, Karen Thomas et Patricia Biascamano, doit sa forme à un lot de boites de peinture récupéré par Jean-Paul BOCAJ.

En hommage à ce lieu de conception, le texte se lie à la tauromachie, mais la déborde de partout.

Boite à TORERO, par Jean-Paul BOCAJ pour Michel ZOOM

Pour  une fois, c'est la mise en boite qui a déterminé la mise en forme du texte. Peintre-sculpteur  et écrivain ont travaillé simultanément, l'éditeur a ensuite suivi - et accentué - le mouvement.
Comment mettre un texte dans une boite ronde, sinon en l'enroulant? Et comment enrouler du papier sinon en le traitant en banderoles?
Je laisse imaginer à ceux qui ont une imprimante - tout le monde a une imprimante, mais l'imagination? - comment on peut imprimer des flamèches de papier de 46 cm sur 6 !! Il m'a fallu inventer un système compliqué d'impression à l'envers, en miroir pour garder des marges superbes. 
Une fois imprimée, chaque feuille était peinte au verso en doré : je crois qu'il n'existe pas de papier doré sur ses deux faces. C'était assez joli, ces lamelles d'or suspendues pour sécher sur la terrasse, ça contenait un petit peu d'Andalousie... 
Pour les relier entre elles (je n'ose plus ici employer le mot "relier" tout court), j'ai dévalisé un photographe de ses bobines -vides- de pellicule 6 x 6. Un peu de cire à cacheter, et basta ! 


Flammèche dorée

C'était facile à rentrer dans son logis, ce serpentin doré, mais beaucoup moins facile à ressortir. Le rebord d'une boite est meurtrier pour du papier élevé en plein champ bibliophilique.
La douceur vint sous la forme d'une peau de vache (officiellement de taureau) qui de descente de lit, se trouva promue au rang de trouvaille artistique. Protégé dans ce nid douillet, le "livre" pouvait entrer et sortir dans heurt.


Dire que le livre a fait un tabac est peu dire.

Sculpture de JEAN-PAUL BOCAJ

Dominique LONCHAMPT sculpte et imprime des cuirs fantômes sur un texte de Guy BARRAL

SCULPTER / ECRIRE
Dominique LONCHAMPT
sur un texte de 
Guy BARRAL

Le texte peut être présenté comme un tableau 52 x 82 cm ou être replié dans son coffret de plexi cristal 17 x 22 cm.
Empreintes de pigments et terres, Cuir, pierres calcaires et fil de coton en plein format sur un texte imprimé.
Papier pur coton du Moulin de Riom marouflé sur toile de lin.
Tirage à 15 exemplaires, dont 7 H.C.


SCULPTER / ECRIRE, par Dominique LONCHAMPT et Guy BARRAL

Le livre se présente comme celui réalisé par Anne SLACIK;
Il continue - et semble terminer - la série de mes textes  illustrés par une artiste.
Dominique LONCHAMPT est une sculptrice et graveuse qui vit aux confins du Gard et de l'Ardèche. Elle a réalisé de nombreuses sculptures monumentales en pierre ou en matériaux composites, où le fer - la ferraille - entre largement. Elle abolit la frontière entre le très massif monolithique et le fil, le fétu de paille ou l'arête de poisson à la troublante fragilité. Elle travaille, dit-elle, de préférence sur des "matériaux de peu". L'artiste rêvée pour Casi Nada.
Gilbert LASCAULT a écrit pour elle : Manifestations minérales.


LE COFFRET de CRISTAL

Ici, elle mêle le textile (choisi par l'éditeur) à de la terre, des éclats minéraux, du cuir. Sa technique est exceptionnelle. Il s'agit de recueillir, dans les campagnes au dessus d'Uzès, des morceaux de chaussures que le temps a enfoui sous les chemins, mais que le passage de troupeaux de moutons remet à jour, longtemps après. Mouillés, assouplis, déployés, ces fragments sont enduits de terre et de pigments, et, passés sous la presse, laissent sur la surface du livre leur empreinte sauvage.

TERRE, CUIR, CHAUSSURE, PIERRE : Dominique LONCHAMPT

POUR L'ANECDOTE, mon texte s'appuie sur une vision du Causse de Blandas, qu'on aborde par le sentier qui, montant d'Avèze (près du Vigan), débouche aux Campels, cette ferme-hameau où est né mon père. Cela, Dominique LONCHAMPT ne le savait pas (elle n'en savait que ce que le texte dévoile). Elle ne savait pas non plus que mon père était cordonnier et que j'ai passé mon enfance au milieu de chaussures un peu cassées et de fragments de cuir que mon père faisait tremper avant de les passer entre les rouleaux d'un presse (je crois que cette technique s'est perdue?). Elle ne savait pas non plus que, lorsqu'on passe dans cette presse des basanes humides avec du papier journal, l'image du journal s'imprime sur le cuir, et que je ne me privais pas de récupérer des "chutes" pour ces gravures décalées d'art modeste et magique.



jeudi 18 octobre 2012

Daniel DEZEUZE illustre Les Royaumes combattants de Christian SKIMAO

Daniel DEZEUZE et Christian SKIMAO / LES ROYAUMES COMBATTANTS


CHRISTIAN SKIMAO
Les Royaumes combattants
illustré par
DANIEL DEZEUZE
Editions Luis Casinada
Montpellier, 1998



Un texte de Christian SKIMAO
Trois dessins de Daniel DEZEUZE réhaussés de crayon gris et encadrés d'une bordure dorée. 
Sur papier coton du Moulin de Riom.
Reliure verte à la chinoise en lamelles de bois de store.
Format : 12 x 23 cm.
Le tirage total est de 50 exemplaires, dont 25 pour les auteurs et l'éditeur. Tous signés par les deux auteurs.


Daniel DEZEUZE et Christian SKIMAO / LES ROYAUMES COMBATTANTS: reliure store à la chinoise

 Les dessins de Daniel Dezeuze, à l'encre de chine, ont été imprimés en noir. L'artiste les a ensuite parachevés manuellement de touches de gris, et a fait un encadrement à l'or de la page.
Il serait oiseux de vouloir présenter Daniel DEZEUZE. Ce membre créateur de l'éphémère Supports / Surfaces  est internationalement connu. Je renvoie à sa page Wikipedia si besoin est.
Ici, ce sont ses rapports avec l'art chinois que Christian Skimao a choisi de solliciter par son texte sur les Royaumes combattants.


Dessin de Daniel DEZEUZE


Typographie
Christian Skimao  est connu comme critique et théoricien d'art, fondateur de la revue Le Chat Messager avec Bernard Teulon-Nouailles et collaborateur de bien d'autres. C'est ici son écriture poétique qui est mise en évidence. Son texte suit les diverses périodes des Royaumes combattants (période de fondation de l'Empire chinois) et se calque sur les péripéties de la guerre et sur les variations stratégiques et culturelles.
                 La typographie et la mise en page évoquent les calligraphies chinoises.
Daniel DEZEUZE et Christian SKIMAO / LES ROYAUMES COMBATTANTS


BOITE A ANECDOTES : 
En 1969, j'étais étudiant à l'université Paul Valéry de Montpellier. Je m'intéressais à l'art (en spectateur) et ma culture avait bien intégré Mondrian, Pollock et Tapiès. Un beau matin, je découvre le parc de ma fac chamboulé : des chevrons moitié-peints contre un mur, des bâches graffitées sur les amphis, et des espèces d'échelles de spéléo en ce qui me semblait du bois déroulé de boites de camembert - mais en vert - dans les hautes branches des pins parasols. Exposition manifeste de Supports / Surfaces.
Ça, c'est aussi de l'art? Il va falloir réfléchir un peu plus loin...  C'était un bon stimulant.
C'est en hommage à la finesse de ces échelles, à leur couleur aussi que, travaillant avec Daniel Dezeuze, j'ai créé la couverture de son livre.
Par chance, il existait un matériau quasi industriel qui était fait de lamelles de bois vert : les stores pour nos fenêtres méridionales.
La surprise du marchand (boulevard Jeu de Paume pour les montpelliérains) faillit lui décrocher la machoire quand je lui donnais la dimention à découper. En mètres : 0,30 x 15 m. Self-control poli : "Vous êtes sûr que vous avez une fenêtre de 15 mètres sur 30 centimètres?".
Dessin de Daniel DEZEUZE

Dessin de Daniel DEZEUZE

Justificatif de tirage

AUTRE ANECDOTE :
Au milieu des années 90, une usine d'engrais fermait ses portes derrière la gare. On avait demandé à des élèves des Beaux-arts de marquer le coup. Il y a donc eu des installations de Caterpilars sur tas de guano, de dentelles dans les douches des ouvriers, et autres fariboles. Les organisateurs distribuaient des protèges chaussures en plastique, et des masques pour respirer. On en avait besoin. Le préfet était venu en casquette dorée, et, au bar, je l'entendais dire au Président du Conseil général (ils finançaient tous les deux) : C'est révolutionnaire. On est quand même gonflés.
Et moi, je partais en me disant que quand un préfet et un Pdt de Conseil prennent la tête d'une révolution, c'est que celle-ci est ratée, minable, foireuse, imbécile, etc... Fuyeur solitaire, je cherchais mes mots. C'est alors que je tombai sur Daniel Dezeuze et André-Pierre Arnal qui partaient tête basse. Je leur dis mes impressions. Ils avaient les mêmes : Quand on voit ça, on a l'impression d'être mort, ces jeunes font ce que nous faisions il y a 25 ans, comme s'il n'y avait pas eu 25 ans de vie depuis.
Et d'ajouter cette remarque que j'ai entendu dire à tant d'artistes : Les gens qui viennent à l'atelier ou en galerie pour acheter nous demandent à chaque fois : Et ce que vous faisiez il y a 20, 30 ans, vous en avez encore? Dans 30 ans, ils demanderont ce qu'on fait maintenant...
Hervé Di Rosa, amoureux des contre-pieds assénés à son public a une formule parfaite pour dire ça : "S'ils le mangent pas chaud, ils le mangeront froid"...





mercredi 17 octobre 2012

KAREN THOMAS illustre JEAN COCTEAU : A Shelley

JEAN COCTEAU
A SHELLEY
ILLUSTRE PAR KAREN THOMAS
Editions LUIS CASINADA
Montpellier, 1998.


A Shelley, de Jean COCTEAU illustré par Karen THOMAS


 Le texte de Cocteau date des années 1910-1912, antérieur au Potomak, qui marque une césure dans l'oeuvre. Le manuscrit en était resté inconnu, jusqu'à sa redécouverte et son rachat par Pierre Bergé. Il est en vers irréguliers et très caractéristique de la merveilleuse facilité de Cocteau

   Karen THOMAS est une artiste anglaise qui vit et travaille à Montpellier et qui a exposé un peu partout en Europe. Elle était, par ses origines et surtout par son style, prédestinée à illustrer ce texte.

                   Le livre se présente sous la forme d'un volume oblong, d'environ 35 cm sur 15. Il est relié par un ruban de soie rouge. La reliure en papier brut blanc est protégé par un papier cristal, et par des gardes de papier indien.

    Le tirage est limité à 45 exemplaires, dont 20 réservés aux éditeurs et auteurs. Tous les exemplaires sont signés par l'illustratrice et l'éditeur (Luis Casinada, id est Guy Barral).




Le tirage est fait sur deux papiers différents pour jouer sur la transparence.
                  Le texte est imprimé sur du papier Japon Sanmore qui a la particularité d'être très solide, d'un toucher doux et crémeux, et surtout d'être relativement translucide. Cette transparence a deux objectifs :
                  * Montrer, en sous-jacence sous le texte, les magnifiques illustrations de Karen Thomas, qui apparaissent de plus en plus nettement au fur et à mesure que les pages de texte se tournent, jusqu'à être, seules, sous les yeux du lecteur.
                  * Evoquer, par une métaphore bibliophilique, la clarté même du texte.
                  Les illustrations sont tirées et peintes sur du Japon Dosabiki, qui, lui, est un très fort papier (120g) très blanc et très opaque, crémeux et granuleux, auquel on a, ici, laissé toutes ses barbes.

Transparences : texte, illustration, texte...
Tu es mort comme Jean Baniel...

A propos, si quelqu'un sait qui était JEAN BANIEL, enfant de choeur de la Sixtine... ?
Le livre comporte quatre illustrations pleine page (dont le frontispice) par Karen Thomas. A partir de dessins de l'artiste, ces illustrations ont été tirées en noir. Puis, chacune a été colorisée à la gouache par le peintre elle-même. Tous les exemplaires sont donc différents, les choix chromatiques variant de l'un à l'autre.




Une autre version du frontispice
BOITE AUX ANECDOTES :

C'est Pierre CAIZERGUES qui m'a sollicité, en accord avec Pierre BERGE, pour éditer ce texte. Pierre Caizergues, qui allait ensuite prendre la succession d'Yves Bonnefoy à la chaire de poésie du Collège de France, était alors professeur à l'Université Paul Valéry à Montpellier, spécialiste de la littérature - je devrais dire de la poésie - du XXe siècle : il est "spécialiste" de Cocteau et d'Apollinaire. Il est aussi poète.
Le manuscrit du texte de Cocteau avait été racheté par Pierre Bergé, et il semblait opportun, en parallèle avec l'édition en Pleïade, d'en donner une édition originale pour bibliophiles.

Je connaissais Karen THOMAS depuis bien longtemps. A son arrivée à Montpellier, vers 1983 ou 84, elle avait même installé son atelier dans l'arrière boutique de mon magasin de disques, rue des Soeurs noires. J'admirais (j'admire) son oeuvre, et l'immense tableau de Luisa la bibliothécaire qui est sur mes murs depuis 20 ans (?) ne les a jamais quitté. C'est dire qu'elle figurait d'emblée dans la liste des peintres dont je voulais éditer un livre. Mais voilà, aucun des textes que j'avais édité jusques là ne m'avait semblé fait sur mesure pour elle.
L'arrivée du Cocteau modifiait la donne : le texte était pour elle.

A ce jour (octobre 2012), Karen doit être en train de méditer sur un texte de Stéphane Mallarmé que nous lui avons proposé d'illustrer pour les nouvelles publications des Editions Luis Casinada. On ne change pas une équipe qui gagne.

Autre petite anecdote.
15 exemplaires étaient réservés aux membres du Comité Jean Cocteau. Ce qui explique les 20 ex. hors commerce). Je les remis à Pierre Caizergues qui les présenta à la réunion suivante du Comité, à Milly-la-Forêt, je crois. Les exemplaires furent distribués en début de séance.
Mais il y eut un retardataire de marque. De grande marque ! Tellement grande que, sourcillieux de n'avoir pas son A Shelley, l'incident diplomatique était imminent.
Du coup, un des membres de moindre importance se vit retirer son exemplaire...
J'ai su les noms de quelques présents, j'ai su les noms de l'important personnage, et de celui qui fut dépouillé...
Mais j'ai dû les oublier...





      Ce livre a été récemment exposé au Musée Fabre de Montpellier, et figure sur le catalogue et le CD-Rom qui accompagnent cette exposition des Fonds Cocteau de l'Université Paul Valéry.



UNe autre version de la barque de Shelley, avec des couleurs différentes