vendredi 31 août 2012

L'Escoutaire (François Dezeuze) illustré par François DEZEUZE aux Editions Luis Casinada. Lou Grand opera de Las Sidoulas : contrastes, contraires et compagnies...

Pièce de théâtre de L'ESCOUTAIRE (François DEZEUZE).
Quatre dessins réhaussés par François DEZEUZE (petit-fils)
La pièce, créée en 1900 met en scène une réunion d'amis de la bouteille et de la philosophie dans un mazet des environs de Montpellier. 
Sur papier japon Iiaxuan extra léger.
Couverture en carrelages de faïence verte, terre vernissée, tels qu'on les fabrique depuis des siècles à Saint-Jean-de-Fos (Hérault)
Format à l'italienne 18 x 12 cm.
Tirage : 30 exemplaires 

Lou Grand opera de Las Sidoulas de(s) François DEZEUZE

Qui peut le plus peut le moins. Comme tous les proverbes de la sagesse populaire, son contraire est vrai (c'est à ça qu'on reconnaît la sagesse). Il était une fois une imprimante qui raffolait des gros papiers. Mais quand on lui en présentait des minces et des délicats, elle se froissait et froissait aussi le papier. 
Mon papier Liaxuan affichait 22 g/m2 à la balance. Alors, pour l'imprimer, je devais, feuille à feuille, l'arrimer solidement à une banale feuille de papier machine A4. C'était assez difficile.  
Alors pourquoi choisir un tel papier? 
 C'est que Lou Grand opera de Las Sidoulas, comme toute l'oeuvre de François DEZEUZE (L'Escoutaïre) essaye de rassembler des contraires. Les personnages sont une bande de machos lourdingues qui se biturent le dimanche dans un mazet de la banlieue montpelliéraine. Mais ils ont aussi la légèreté des philosophies profondes.




Il fallait que le livre évoque d'emblée ces contradictions. Un moyen efficace : opposer et réunir la "couverture" et le corps du livre.  Nous avons vu que le papier était souple et mince, il fallait des plats de reliure durs et épais, peut-être un peu rugueux? 
Comme dans tout ça, il y a quelques hectolitres de vins qui circulent, je me suis dit que les carreaux de faïence qui tapissaient l'intérieur des cuves des vignerons d'ici ou le rebord des éviers seraient parfaits. Ils ont une face lisse et brillante, l'autre assez brûte pour tenir aux murs. Leur format, inchangé depuis un ou deux siècles, a donné celui du livre. Je les ai fait fabriquer spécialement à Saint-Jean-de-Fos : deux trous de reliure pour le premier plat, quatre trous pour le plat inférieur : 

Couverture du Grand Opera de las Sidoulas en céramique de Saint-Jean-de-Fos 

François DEZEUZE, le petit-fils de l'auteur, 
a accepté d'illustrer le texte. Avec, a priori, une réserve : il n'était pas sûr de pouvoir "bien" le lire, mais il se ferait aider pour cela par son père, le peintre Georges Dezeuze. En fait, ce fut beaucoup plus facile que ce qu'il pensait, l'occitan de L'Escoutaïre étant d'une simplicité remarquable. 
Il a réalisé 5 dessins qui ont été ensuite réhaussés de couleurs, avec, bien sûr des variantes selon les exemplaires.

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Lou Grand operà de las Sidoulas de François Dezeuze (L'Escoutaïre)  illustré par François Dezeuze



François DEZEUZE

Une dernière anecdote : les violets ou lie de vin qui forment le fond de certains dessins sont en fait réalisés avec du vin de Faugères. Il vaut donc mieux tenir ces illustrations à l'abri de la lumière, ces fonds ayant, au jour, tendance à virer au brun.
L'achevé de faire porte la date du 7 décembre 1996.

jeudi 30 août 2012

Anne Slacik : PEINDRE / ECRIRE sur un texte de Guy BARRAL aux éditions Luis Casinada.

Une peinture d'Anne SLACIK
sur un texte de Guy BARRAL
Le texte peut être présenté comme un tableau 52 x 82 cm ou être replié dans son coffret de plexi cristal 17 x 22 cm.
Peinture acrylique, pigments et terres plein format sur un texte imprimé.
Papier pur coton du Moulin de Riom marouflé sur toile de lin, et peint plein format.
Tirage à 15 exemplaires, dont 7 H.C.


Peindre / Ecrire par Anne SLACIK et Guy BARRAL aux Editions Luis Casinada

Je reviens du Causse où les mures n'étaient pas encore mures. A peine six succulents et maigrelets pots de confiture!  Mais on aime le causse de Blandas malgré ça.
Du coup, me voici à vous parler du merveilleux livre qu'a peint Anne SLACIK pour les éditions Luis Casinada.
Le texte en commence ainsi :
La ligne d'écriture suit le fronton du Causse. 
Et puisque j'en suis au texte, liquidons-le vite. Je dis tout de suite qu'il est de moi (GB). Le Causse, avec ses lignes qui changent tout le temps de niveau, avec ses grottes où se terrent des mots qui sortent n'importe où comme des sources, avec son ciel qui mélange le silence et les coups de vent me semble une belle métaphore de l'écriture. Mais le Causse existerait sans l'écriture et l'écriture en reste baba.

Peindre / Ecrire par Anne SLACIK et Guy BARRAL aux Editions Luis Casinada

C'est justement parce que je ne voulais plus avoir l'air de donner au texte la première place dans le conglomérat qui aboutit à un livre que je m'étais résolu à utiliser mon écriture comme toile de fond de ces livres. Cette même préoccupation se retrouvera, plus tard, dans la nouvelle collection Parce que ! créée avec Sébastien Hervouet : nous utiliserons des textes déjà publiés d'auteurs morts, la vraie motivation du livre étant l'image qu'en donnera un peintre.


STRUCTURE DU LIVRE :
 Le texte est imprimé sur du papier pur coton du moulin de Riom. Il est réparti sur des rectangles de 19 x 12 cm qui sont collés sur une toile en lin (ourlée). Il y a 20 feuilles, 6 comportant du texte, et 10 blanches, ce qui permet de modifier l'imposition des pages de texte sur la toile (mais l'ordre de lecture est quand même toujours respecté). Ainsi, sur l'autre exemplaire que j'ai sous les yeux, la première phrase n'apparaît que sur la 3e case de la première rangée. Peu important, peut-être, mais le rythme de vision du tableau en est un peu modifié.

Peindre / Ecrire par Anne SLACIK et Guy BARRAL aux Editions Luis Casinada. Détail

Plus important. J'ai dit que le texte devait servir de toile de fond, de support à la peinture. C'est exactement ce qui s'est passé.
Anne SLACIK a peint directement sur le texte imprimé avec un mélange très fluide de sa composition.
Résultat : sous la peinture, le texte est plus moins flouté. Parfois, une partie en est si obstruée par l'accumulation de peinture qu'une lecture n'est possible que par transparence. Je trouve très bien que pour la bonne utilisation de la chose lue, la lecture se transforme, parfois, en déchiffrage.

Peindre / Ecrire par Anne SLACIK et Guy BARRAL aux Editions Luis Casinada

Cela veut dire, bien sûr, que chacun des 15 exemplaires est une composition à part entière du peintre, comparable pour l'esprit, différente par la forme.
C'est pour rendre palpable cette qualité "d'œuvre d'art à part entière" que le livre a été monté de façon à pouvoir être plié ou déployé.
Plié, il trouve sa place dans un coffret en plexi cristal et se range sur vos étagères, Mesdames et Messieurs, à côté de vos autres livres de bibliophile.

Peindre / Ecrire par Anne SLACIK et Guy BARRAL aux Editions Luis Casinada dans son coffret cristal.
 
Déplié, c'est un tableau pour les murs de votre bibliothèque. 
Peindre / Ecrire par Anne SLACIK et Guy BARRAL aux Editions Luis Casinada. Version déployée
 L'achevé de faire, signé des deux auteurs,  est daté de Pompignan, dans le Gard, le 8 avril 2003.

NAISSANCE D'UN MONSTRE, une mazarinade de 1649 illustrée par Jean-Paul BOCAJ aux Editions LUIS CASINADA

Naissance d'un monstre. Mazarinade de 1649 illustrée par Jean-Paul BOCAJ


NAISSANCE D'UN MONSTRE EPOUVANTABLE ENGENDRE D'UNE BELLE ET JEUNE FEMME NATIVE DE MARK A DEUX LIEUES DE CALAIS.
Texte : une mazarinade ou "canard" endiablé resté anonyme de 1649.
Un morceau de tableau de Jean-Paul BOCAJ.
La toile de Jean-Paul Bocaj a été découpée en 30 carrés de 16 cm de côté, chacun venant, numéroté et signé par l'artiste, illustré un exemplaire. Les photos de trois états du tableau sont jointes au fragment original. Le tout est inséré dans une pochette en basane rustique fermér par une boule de buis et marquée au chiffre de l'éditeur. 
Tirage : 30 exemplaires. 



Il y a beaucoup à dire sur ce livre, de sa conception à son existence. C'est, par excellence, un livre à palabres. 

En premier, le texte lui-même
Certains sourires complices ont mis en doute la réalité du texte, ou plutôt qu'il soit réellement du 17e siècle. 
J'apporte ici la preuve de mes sources. 
J'ai trouvé ce texte dans un recueil de mazarinades constitué au cours du 17e siècle par Henri Guillaume LE JAY, fils du baron de Tilly intendant de Lorraine. Ce Le Jay fut abbé de Cherbourg (oui), aumonier de Monsieur, le duc d'Orléans, puis évêque de Cahors du 9 mars 1680 au 22 avril 1693, le jour de sa mort. 
Le recueil porte sur ses deux plats ses armes, répertoriées par Olivier et reproduites (Planche 1017). 
Il s'agit d'un 4° de 8 pages, imprimé à Paris chez la Veuve d'Antoine Coulon en 1649. 
Naissance d'un monstre espouventable.  1649
L'existence (peut-être fictive, d'une permission d'imprimer, mais surtout d'une adresse précise oblige à se demander si le classement du texte au sein d'un recueil de mazarinades est bien justifié. Il pourrait aussi bien être classé avec les "canards", et autres faits divers de la littérature populaire. 
Le texte lui-même est ambigu. 
C'est, littéralement, le récit la naissance d'un monstre épouvantable (même si nous, nous le trouverions plutôt très beau). Donc un fait divers anecdotique, comme la Bibliothèque Bleue en connaît tant. 
Mais le fait que ce monstre apparaisse au milieu d'une guerre civile, dont les gravures de Jacques Callot montre les horreurs épouvantables, n'est sans doute pas anodin. C'est bel et bien le signe que tout se détraque dans ce monde, puisque le diable nait à Calais. 
D'ailleurs, on peut faire confiance à un évêque de Cahors élevé dans le sérail de la cour de Monsieur pour savoir ce qui est politique et ce qui ne l'est pas. Si Le Jay a mis ça dans les mazarinades, laissons le dans les mazarinades.



La signature G.D.B., un mystère

Reste à savoir qui a bien pu écrire ça. Après trente ans de réflexions, j'avoue que je n'en sais rien. La signature G.D.B.  renvoie immanquablement à GUEZ DE BALZAC, mais voilà ! C'est pas vraiment son style, ses bio-bibliographies sont muettes là-dessus et la sage et prudente BNF conserve l'anonymat à ce texte. Ne soyons pas plus royaliste que le roi. 



AUTRE PRETEXTE A UN RECIT : LE TRAITEMENT DU TEXTE

Comme on le voit sur les photos ci-dessus, ce n'est pas calomnier la Veuve Coulon que de dire qu'elle était un peu souillon. 
Dans sa page de titre, que de flottements ! Ses lignes sont droites comme la patte d'un chien (ma mère disait ça). Les dernières lettres du mot "MONSTRE" sont plus petites que les autres, la ponctuation est cahotique, etc...
Cet aspect négligé, bâclé, composé et imprimé en grande vitesse et sur du papier minable est d'ailleurs la caractéristique de toutes ces mazarinades polémiques ou anecdotiques. 
J'ai essayé, dans toute la mise en forme du texte — et du livre — de restituer une idée de cette précipitation à éditer des piéces qui ne sont que d'actualité, et que l'actualité doit dévorer. Ce qui explique qu'à ma connaissance, 3 exemplaires seulement de cette monstruosité nous soient parvenus.
D'abord, j'ai utilisé un papier grisâtre, un peu grumeleux, sans pedigree.
Ensuite et surtout, je me suis amusé à "mal" imprimer mon texte. Regardez la page de titre, et dites-moi si je suis pas aussi torchon que la veuve Coulon.
Le S de monstre est en train de glisser, tandis que le 2e L de belle s'envole. Cherchez les autres erreurs.
Page de titre
Dans la première page du texte, je suis assez fier du chevauchement du S et du O de sortir. L'imperfection est la cime a écrit Yves Bonnefoy. Ici, j'atteins des sommets.

 
Début du texte.

POUR LA RELIURE, j'ai conçu une pochette qui dans ma tête peut évoquer la sacoche d'une messager qui s'est faufilé à travers une guerre civile (voyez la première phrase ci-dessus) dans une France où les ronces ont eu le temps de manger les chemins.
J'ai demandé à la maison BARBANSE, crépins à Béziers, de me sélectionner des peaux robustes, mais qui, comme les plus beaux jeans actuels, seraient déjà pré-usées : éraflures, épidermures, voire petits trous... 
J'ai taillé tout ça en forme d'enveloppe, bricolé une fermeture avec un trou, une ficelle et une boule de buis. 
Et pour que le facteur / messager fasse un peu officiel, et puisque les éditions Luis Casinada assurent elles-même leur distribution, la sacoche porte les initiales  L C en lettres d'argent. 
Deux exemplaires ont été mis dans des cuirs plus chics : l'un en maroquin vert, l'autre en veau bleu. Ils sont moins beaux.


L'INTERVENTION DE JEAN-PAUL BOCAJ
est encore plus déchirée par la guerre et les horrifiques monstres qui en sont les tristes suites. 
Non que son tableau soit sinistre ou tristounet. Très très loin : la belle et jeune femme est vraiment belle, vraiment jeune et vraiment femme. Et le monstre qu'elle engendre un bel espiègle chatoyant. 
En cela, Jean-Paul Bocaj est bien dans l'esprit de GDB. Voici quelques extraits de sa description du monstre : 
Derrière le dos, il est garni de quatre petites ailes semblables à celles d'une chauve-souris, sur l'une desquelles on peut voir peinte une petite chaine composée de sept anneaux et sur une autre de l'autre côté, il y a comme un petit animal qui a une corne sur la tête. 
Toute la peau de son corps est fort dure et basanée, hormis entre les deux tétins où elle est fort tendre et d'une couleur entre vert et jaune. Un peu au dessus du nombril, il a une étoile qui est rouge comme sang, et au milieu du dos, entre ces quatre ailes, il y a un croissant de couleur perse. 
On n'est pas plus joli!!
Mais voilà qu'en fait d'illustration, Jean-Paul BOCAJ a fait UN SEUL TABLEAU, d'environ 80 x 100 cm., et que c'est ce tableau, découpé au cordeau et au cuter en 30 morceaux égaux, signés et numérotés qui illustre le texte. 
Bien sûr, au fur et à mesure de la conception et de la réalisation de l'oeuvre, des photos ont été prises
Quand le tableau a été fini, Pierre Schwartz, le photographe des tableaux-stars l'a photographié. Et toutes ces photos sont dans chaque exemplaire. 
Bien sûr, le tableau a été découpé, dans une maison qui devait s'effondrer peu après comme une splendide Usher, devant les caméras de FR3 : l'INA doit encore avoir ces images, qui ont été diffusées fin 1994.
C'est quand même une drôle de performance, pour un peintre, d'exécuter aussi finement et avec tant de brio un superbe tableau pour le découper aussitôt sec. MERCI JEAN-PAUL !!!!!


Photo du tableau de Jean-Paul BOCAJ entier et morceau de cette toile découpée.
Le livre : Naissance d'un monstre, illustré par Jean-Paul BOCAJ, avec tous ses éléments, et même plus.


Revers des carrés de la toile de Jean-Paul BOCAJ.


Vous savez tout sur ce livre, mais quel sera le suivant ?